Journal d’atelier 1998-2018

Journal d’atelier 1998-2018

Depuis 1998, je tiens un journal d’atelier qui se compose, pour l’essentiel, de réflexions sur mon travail, de notes en rapport avec mes questionnements, mes recherches, mes lectures ou mes voyages et d’annotations concernant plutôt les aspects techniques ou créatifs liés au métier de peintre et à celui de graveur. Le choix des textes – parmi plus de 1200 pages – est forcément subjectif et j’ai donc sélectionné – après relecture – une série de textes qui me semblaient n’avoir pas trop vieilli malgré l’usure du temps et dont la musique, en 2018 continuait à m’émerveiller, à me questionner ou à me surprendre.

Il y a des beautés qui vous coupent le souffle et la parole, c’est cela l’indicible et cela existe.
Nicolas Bouvier – L’Usage du monde ; Lausanne, mars 1998

L’importance du rythme, du contact avec l’atelier, d’une certaine discipline, mais également le plaisir du jeu comme l’enfant qui s’amuse dehors. Arriver à s’étonner soi-même, voilà la grande affaire !
ND – Lausanne, 7 avril 1998

Pour vraiment découvrir un lieu, il faut lui donner du temps, donner du temps au lieu, c’est le contraire du tourisme.
Nicolas Bouvier – L’usage du monde ; Lausanne, 7 juillet 1998

Une éducation trop rigide, c’est comme un jardin trop bien entretenu, il manque quelque chose ou plutôt c’est un trop plein de choses qui fait qu’il n’y a plus la moindre poésie.
ND – Sur la route des Pueblos Blancos en Andalousie, 13 octobre 1998

On crée pour adoucir le temps qui passe.
Jorge Luis Borges – Lausanne, 26 octobre 1998

L’être humain est le propre gardien de son autodestruction. Nous engendrons nos propres anticorps. C’est donc finalement l’optimisme qui triomphe.
Angelica Ionatos – Lausanne, 2 avril 1999

Phrase de la Bhagavad-Gita « comme l’enfant naît entouré du placenta, de même l’homme vient à la vie entouré de l’illusion » lue dans un texte superbe de J.-M.-G Le Clézio sur le passage du 20e au 21 e siècle. 
J.-M.-G Le Clézio – Douce moisissure ; Lausanne, 31 décembre 1999

Comment un peuple, il y a 800 ans, a pu bâtir de tels chefs d’œuvres en pleine jungle. Tout ici, dépasse l’imagination et l’entendement. J’ai vu ou croyais avoir vu pas mal de choses dans ma vie, mais rarement jusqu’ici je n’ai eu de pareilles émotions, à contempler, bouche bée, de telles réalisations accomplies par l’esprit et la main de l’homme. Je peux tout à fait imaginer l’état d’esprit survolté des premiers « découvreurs » débarquant à travers cette jungle tropicale. A certains moments de la journée, des larmes de joie et de plénitude surgissaient du dedans devant tant de beauté, d’harmonie et de mystère.
Grand plaisir à réaliser des photos des différents monuments ainsi que de la nature avoisinante. Très peu de touristes et il ne faut pas trop s’éloigner des monuments, car il y a encore de nombreuses mines dans les alentours. Plans d’eau, fleurs de lotus, femmes faisant la lessive dans les douves, fromagers géants dont les racines centenaires enlacent les monuments d’une façon apocalyptique, Apsaras qui illuminent par leur grâce les monuments, buffles se prélassant dans les rizières. Quelle beauté, merci la vie. 

Siem Reap – Angkor, 2 décembre 2000

Nous logeons chez une famille au sud d’Allepey dans le Kerala en bordure du fleuve. La maison située sur une étroite bande de terre est ceinturée par des canaux. Sur les rives, rizières, cocotiers, bananiers et mangroves frémissent sous la brise légère. Par-ci par-là, des pirogues transportent passagers et marchandises au rythme de la rame et du clapotis. La lumière de fin d’après-midi est magnifique. La gamme des verts infinie. La quiétude ambiante, le spectacle permanent des pirogues sur le fleuve, la musique régulière issue du frottement de la pagaie dans l’eau sont de véritables présents pour les sens. Au loin, des indiennes en sari, pieds nus s’en vont – comme flottant dans l’air le long du rivage – sur un sentier de terre battue ocre-orangé. Le temps ici, se conjugue assurément d’une autre façon et s’écoule lentement au rythme du fleuve. Atmosphère de magie, qui je le pressens restera gravée dans ma mémoire. 
ND – Riverside Retreat / Kerala – Inde du sud, 19 janvier 2001

Escale de 15 heures au carnaval de Rio.  Découvrir
Rio de Janeiro, 28 février 2001

La journée passe comme un omnibus, avec ses arrêts facultatifs sur les gens et les choses. La gentillesse des gens et leurs sourires permanents me dérident le dedans quotidiennement.
Trajet de bus Salvador – Lençois / Brésil, 19 juin 2001

Ne permets pas aux événements de ta vie de t’enchaîner, mais ne te soustrais jamais à eux, ainsi seulement tu atteindras la liberté.
Huang Po – Lausanne, 1er mars 2002

Le chercheur ne sait pas ce qu’il va trouver, mais il est en mouvement, c’est une dynamique.
ND – Lausanne, le 11 mars 2002

Ne te désole pas, ne te tourmente pas, laisse le destin enfoncer son clou en toi jusqu’aux os, c’est ainsi qu’on parvient à faire ressortir quelque chose de significatif. Cette vie est impénétrable, mais elle est pleine de sens.
Fixe ton but et vas-y tout droit sans trop te demander si tu y arriveras. Un temps pour la souffrance, un temps pour la joie, un temps pour l’agitation, un temps pour la paix. Par-delà tout, il y a la vie qui s’offre dans sa force débordante.
François Cheng – Lausanne, avril 2002

La création provient du souffle primordial, lequel dérive du vide originel.
François Cheng – Lausanne, avril 2002

Dans la nuit la plus sombre, une étincelle d’allumette, une flamme vaillante, une luciole suffit pour maintenir ouvert l’univers entier.
François Cheng – Lausanne, avril 2002

Laisser agir le temps, laisser agir la chose elle-même. Je connais bien ce vieil adage. Après l’effort humain, laisser les fruits et les plantes travailler à leur propre murissement. Le non-agir n’est pas tant de ne rien faire que de faire tout ce qu’il faut et de ne plus « intervenir »
François Cheng – Le dit de Tianyi ; Lausanne, avril 2002

La mort d’un enfant, c’est un argument contre Dieu
Dostoiewski – Lausanne, le 3 octobre 2002

Essayer de ne pas tomber dans la facilité, ne serait-ce que par respect pour tous ceux qui ont essayé de rester exigeants face à leur activité artistique.
ND – Lausanne, novembre 2002

L’art, ce n’est rien d’autre que de prendre un train sans savoir où l’on va descendre. Les paradis perdus, ce n’est rien d’autre que la nostalgie de nos différentes époques qu’on ne revivra plus jamais.
Charlélie Couture – Lausanne, février 2003

Regarder toutes les petites choses fugaces de la vie qui font tous les petits bonheurs du quotidien.

ND – Lausanne, février 2003

L’art et la religion sont la preuve que la vie ne suffit pas.
Lausanne – Emission de radio, mars 2003

J’ai connu toutes les formes de déchéances y compris la réussite
Cioran – Lausanne, 21 septembre 2003

Quelques interrogations :
Le confort nous fait-il avancer ?
Pourquoi, depuis l’enfance, j’affectionne particulièrement les choses usées ?
Est-il possible de se résumer ?
Comment dire plus en disant moins ?
Comment se rapprocher de soi-même ?
ND – Lausanne, Septembre 2003

J’appelle simple d’esprit toute personne qui parle de la vérité avec conviction.
Lausanne – Emission de radio, octobre 2003

Le doute est fondamental. Sans le doute on ne risque rien et si on ne risque rien, on n’obtient rien.
Henri Moore – Lausanne, septembre 2003

J’aime les horizons libres qui fertilisent l’imaginaire.

ND – Lausanne, octobre 2003

Le silence, c’est se risquer à entrer en soi et y découvrir parfois des trésors.
ND – Lausanne, février 2004

Le Coréen amoureux de paysages, choisit toujours admirablement bien l’emplacement que doit occuper son jardin. Au centre, un étang entouré à distance de légères ondulations, de terrain, dont la luxuriante végétation se reflète doucement dans l’eau, qui joue toujours ici le premier rôle ! Elle est quelquefois recouverte de lotus, dont l’admirable feuillage et la fleur éblouissante sont une fête pour les yeux. Il y a au centre, une île ronde recouverte de gazon où un arbre solitaire toujours vert, étend ses rameaux et produit pour son isolement même un effet charmant. Il est parfois séculaire, et symbolise la vieillesse, que le coréen, aime et respecte par-dessus toute chose.
L’étang est toujours peuplé de poissons, principalement des carpes, que le propriétaire seulement se réserve le droit de pêcher. C’est pour lui une jouissance pleine de dignité : aussi vient-il souvent s’asseoir sur l’herbe à l’ombre de châtaigniers ou de pins coréens très décoratifs rappelant ceux de Californie. Là, bien abrité, il aime à lire ses auteurs favoris qu’il quitte de temps à autre pour jouir du délicieux paysage qui l’entoure, ou suivre des yeux, au travers des plantes aquatiques que le vent balance doucement, un gros poisson apparaissant au soleil pour s’emparer de quelque insecte ailé ; alors son destin de pêcher s’éveille, il tient sa ligne et, séparé du monde par sa passion, que son étang soit grand ou petit, qu’il fasse jour ou nuit, il oublie tout !
Paris, juin 2004 (texte exposé sur un mur lors d’une exposition au musée du jeu de Paume)

L’émotion esthétique accordée par la nature m’est aussi vitale que l’eau, la nourriture ou le pétrole.
ND – Lausanne, 11 mai 2005

Mort de Zoran Music à l’âge de 93 ans. 
Lausanne, 27 mai 2005

Punta della Dogana
Homme brisé

L’humour et la gravité sont souvent très proches
Lausanne, 3 juin 2005

Impression de vide, de fatigue. L’enseignement, comme à chaque fois durant le mois de juin, me supprime toute mon énergie. Plus de continuité dans mon activité artistique. Essayer de ne pas perdre le fil…
Lausanne, 12 juin 2005

Cette phrase à la radio « arriver à faire des poèmes populaires ». La poésie qui descendrait dans la rue. Voilà une idée qui me plaît.
Lausanne, 23 juin 2005

Découverte de l’Abbaye Cistercienne de Sénanque dans la solitude de l’étroit vallon de la Senancole, blottie au milieu des arbres, verts toute l’année, et des champs de lavande. Beauté indicible.
Pour les cisterciens, la pratique de la foi dans l’austérité s’accompagne d’une esthétique qui recherche la forme pure émondée de tout superflu.
Gordes, 12 juillet 2005

Cette sensation, au bout d’un certain temps d’avoir une complicité avec un Paysage jusqu’alors inconnu, et de se sentir relié, une fois de plus à quelque chose qui nous dépasse.
Nicolas Bouvier – L’usage du monde ; Le Lubéron, 20 juillet 2005

La poésie d’une lessive de linge blanc, suspendue dans le temps, et qui flotte au vent dans un jardin.
ND – Le Lubéron, 20 juillet 2005

Dernier jour de l’exposition consacrée à Henri Moore à la galerie Kramer. Impatience de découvrir certains originaux que j’ai pu admirer à maintes reprises dans des livres. 35 degrés en arrivant à la gare de Cornavin. Pas le moindre souffle, béton qui transpire.
Emotion de me retrouver face à ces estampes : Stonehenge, études pour sculptures, femmes couchées.

Genève, 27 juillet 2005

Après avoir passé la semaine à préparer l’atelier qui va m’accueillir jusqu’au 9 février prochain, me voici donc chez Raymond Meyer. Aménagements, prise de repères. Pluie fine au dehors. Sensation magnifique d’avoir cinq mois devant moi pour expérimenter, porter certains projets à terme, conjuguer le temps d’une autre manière, sans le souci des contraintes de l’enseignement.
Pully, 22 août 2005

Raté tout ce que j’ai fait aujourd’hui. Une journée de travail juste pour nourrir la poubelle !
Pully, 30 août 2005

Il y a dans l’apparition de l’aurore comme un sentiment de participer pour la première fois à la création du monde. Cette impression est démultipliée lorsqu’on se trouve en pleine nature, indépendamment du lieu.
Lausanne – Hotel de la Paix, 21 septembre 2005

Mon travail n’avance pas comme je le voudrais. Maintenir le cap, ne pas se décourager malgré les ratés ! C’est le parcours en soi qui est enrichissant.
Atelier de Raymond Meyer – Pully, 29 septembre 2005

Dans les paysages faits de peu je me sens chez moi et marcher seul, au chaud, sous la laine sur une route d’hiver est un exercice salubre et litanique qui donne à ce peu, en nous ou au dehors, sa chance d’être perdu, pesé juste exactement timbré dans une partition plus vaste, toujours présente mais dont notre surdité au monde nous prive trop souvent.
Nicolas Bouvier – Journal d’Aran ; Vathi/Sifnos, 11 octobre 2005

Vent à décorner les bœufs. Retrouvailles avec ce petit coin de terre suspendu entre ciel et mer. La petite église du 16ème siècle endimanchée dans son costume bleu et blanc donne l’impression de tenir une conversation avec la taverne adjacente.
Vathi/Sifnos, 11 octobre 2005

Certains jours, on se passerait d’avoir un corps ; avant l’aube, la colique et la fièvre me laissent 4 heures de sommeil et de répit bienvenus que j’emploie à le séparer de moi au réveil, je le retrouve à une bonne longueur de bras. Je le bouchonne, je l’étrille à l’alcool de camphre, le retourne sans façons en m’amusant de le retrouver chaque matin plus émacié et pieux, je l’enveloppe de laine et de cuir, l’abreuve de thé très sucré. – le seul aliment qu’il supporte – Puis je l’envoie sur la route où il se nourrit de vent atlantique et où je le rejoins un peu plus tard sans qu’on ait échangé un mot. Si mauvaise qu’ait été la nuit, quelques bouffées d’air ont suffi à le remettre d’aplomb. Il est là, revigoré, fin prêt pour les entreprises de la journée.
Nicolas Bouvier – Journal d’Aran ; 12 octobre 2005

Parfois l’impression que tout est dit, que les choses sont en place, équilibrées, vient alors le moment du point final. Parfois, au contraire, laisser le temps faire son œuvre puis éventuellement reprendre le tableau à nouveau et continuer.
ND – Lausanne, 25 octobre 2005

Pourquoi se rebeller contre ce qui nous dépasse, si nous n’en récoltons guère que de l’insatisfaction.
Juan Manuel De Prada – La Tempête ; Vathi/Sifnos, Ve 21 octobre 2005

L’attitude mélancolique ne peut-elle pas aussi s’entendre comme une mise à distance de la conscience face au désenchantement du monde ?
Emission de radio – Lausanne, novembre 2005

J’apprécie ces moments de découvertes ou de redécouvertes d’un livre dans le silence si particulier des bibliothèques. Assis à une table avec les peupliers qui frétillent dans un premier plan au loin avec le lac qui taquine l’horizon. J’observe toute cette jeunesse en devenir qui prépare avec assiduité son avenir.
Bibliothèque de Dorigny, 21 octobre 2006

Un seul éditeur fait preuve d’intérêt à l’époque pour l’usage du monde, mais il exige d’énormes coupures, et l’auteur – Nicolas Bouvier – qui a sué sang et eau pour écrire les 340 pages de son texte refuse de l’amputer (1963-64).
Lausanne, 28 décembre 2005

Soirée entre amis avec cette pensée étrange tout d’un coup en plein repas, alors que tout le monde éclate de rire : « Lequel d’entre nous disparaîtra en premier ». Impression particulière ressentie au milieu des rires.
Arnex, 17 décembre 2005

J’aime me retrouver dans cet atelier de Raymond Meyer à Pully au milieu de ces anciennes presses qui ont toutes une histoire, avec ce parfum si particulier des encres taille-douce.

Pully, 28 décembre 2005

Tous les signes du temps sont infiniment plus précieux qu’une enseigne au néon ou quelque chose de neuf. 
Nicolas Bouvier – Lausanne, 28 décembre 2005

Moi, je ne suis homme que dans la rue, dans les bois et dans les champs, à l’auberge et dans mon logis ; dans le salon de qui que soit, je ferai figure d’empêtré.
Robert Walser – Lausanne, le 31 janvier 2006

« Aujourd’hui, le bleu du ciel me rappelle quelque chose qui vient d’au-delà du souvenir »
Journal de Peter Handke 1982-87 – Lausanne, le 17 mars 2006

Lorsqu’on a pressenti rien qu’une fois, l’immensité de l’aventure humaine, on peut se demander quelle force vous retient dans l’étroit. Quelle force est là qui fait que nous poursuivons quand même la route sans fomenter des bouleversements et sans abattre les murs ?
Andrée Chedid – Lausanne, 10 septembre 2006

Ce qui est inutile est souvent indispensable.
ND – Lausanne, octobre 2006

Randonnée au Capo Rosso en Corse. Les parfums du maquis me rappellent nos randonnées à Sifnos.
Clapotis turquoise des vagues sur le rivage
Falaises abruptes et muettes
Tour Génoise qui monte la garde inexorablement
Face à un ennemi imaginaire
Qui a été englouti
Depuis des millénaires
Capo Rosso / Corse, 12 octobre 2006

Tant de mains pour transformer le monde et si peu de regards pour le contempler. Ecrire, c’est mettre au net ses pensées, clarifier un peu son opinion sur les choses. Il s’agit de choisir parmi ses impressions, la plus juste.
Marguerite Yourcenar – Lausanne le 25 août 2007

J’ai besoin de cette nature désordonnée mais harmonieuse qui ne tolère aucune interférence humaine.
ND – Lausanne, 14 septembre 2007

L’homme se trompe sur ses propres ambitions, ses propres devoirs. Il n’aime pas assez la vie. On n’apprend pas à l’homme à aimer la vie, on lui apprend à aimer les choses. On ne lui pas appris à se lever le matin en se disant : « Quelle belle journée, c’est une journée de plus pour moi, comme il fait beau ».
Marguerite Yourcenar – Lausanne, 27 septembre 2007

Visite du Prado, de la fondation Thyssen et du musée de la reine Sofia à Madrid. Pur bonheur !
Madrid, 5-7 octobre 2007

Saisir
Recueillir le grain des heures
Etreindre l’étincelle
Ravir un paysage
Absorber l’hiver avec le rire
Dissoudre les nœuds du chagrin
S’imprégner d’un visage
Moissonner à voix basse
Flamber pour un mot tendre
Embrasser la ville et ses reflux
Ecouter l’océan en toutes choses
Entendre les sierras du silence
Transcrire la mémoire des miséricordieux
Relire un poème qui avive
Saisir chaque maillon d’amitié.

Andrée Chédid – Lausanne, novembre 2007

Journée noire, d’un noir profond. Pas la moindre note optimiste. La plupart des choses me semblent d’une futilité et d’une vanité…. Juste cette phrase de Jean d’Ormesson, lue vers 23 heures qui me réconcilie avec la vie avant de m’endormir.
ND – Lausanne, mai 2008

La mort est plus légère qu’une plume, mais l’étiquette plus lourde qu’une montagne.
Proverbe japonais

L’Impermanence comme une métamorphose permanente, idée pour une gravure…
ND – Presqu’île de Crozon, 15 juillet 2008

L’Aurore est l’effort
De la face céleste
Pour A nos yeux feindre
L’ignorance du parfait

Emily Dickinson – Presqu’île de Crozon, 15 juillet 2008

Au bout du crépuscule,
Franchissant le col du mont Hihara
Soudain le son d’une tourterelle
Comme venue de l’au-delà

Saigyô 1118/1190 – Presqu’île de Crozon, 15 juillet 2008

Je vois en gravissant la montagne de l’hiver
Que dans le lieu du froid,
Le plus noble brille comme de la glace
Et comme le silence résolu de la chute gelée,
Dans le début du matin
Où fond de la neige de la nuit passée
Le sommet
Enveloppé de la glace éternelle
Vénère la lumière.
Cho Chong-Kwon
Philippe Jaccottet – Ce peu de bruit ; Presqu’ile de Crozon, 15 juillet 2008

Couleurs du ciel hier soir : du rose, du jaune et du vert ; plus exactement du presque jaune et de l’à peine vert, des bandes de soies superposées de la nuance la plus délicate, transparente, doucement lumineuse avant l’obscurité.
Philippe Jaccottet – Ce peu de bruit ; Presqu’île de Crozon, 15 juillet 2008

Prendre le large
Larguer les amarres
S’en aller comme un papillon
Au gré du vent, le long d’un sentier
Prendre le temps, savourer
Respirer, contempler, s’imbiber, inspirer, prendre de l’altitude, expirer
Prendre du recul, s’élever, écouter
S’en aller vers d’autres horizons
Sentir son cœur s’ennuager
ND – Presqu’île de Crozon, 17 juillet 2008

Randonnée à la pointe du Menhir, ciel gris et bas.Flux et reflux des vagues
Ecume éternelle, comme un écho perpétuel
Au pied des falaises imperturbables

ND – Presqu’île de Crozon, 20 juillet 2008

La dernière sonate pour piano de Schubert m’étant revenue hier soir, par surprise, une fois de plus, je me suis dit simplement : « voilà ce qui tient inexplicablement debout, contre les pires tempêtes, contre l’aspiration du vide ; voilà ce qui mérite, définitivement d’être aimé : la tendre colonne de feu qui vous conduit, même dans le désert qui semble n’avoir ni limites, ni fin.
Philippe Jaccottet – Ce peu de bruit ; Presqu’ile de Crozon, 21 juillet 2008

Patmos, Siem Reap, Chiang Mai, Penang, Hampi, Madurei, Kodaikanal, Ubud, Itacoatiara, Djakarta, Salvador, Tiradentes, Ouro Preto, Canoa Quebrada, Ilha Grande, Séville, Ao Nang, Bangkok, Stromboli, les îles d’Aran, Yojakarta, Sifnos, Mochlos, Loutros, New-York, New Orléans, Bâton Rouge, Chandolin, Bella-Tola, Alger, Ghardaia, Iguaçu, Ahmed, Meski, Fes, Goa, Cochin, Venise, Mexico, Taxco, Vallée de l’Urubamba, vallée du Dhra, Paris, Miliana, Dubrovnik, Cordoue, St-Malo, Presqu’ile de Crozon, Hania, Grenade
Tous ces endroits particuliers et singuliers, qui un jour sont venus à ma rencontre et ont laissé une trace indélébile dans ma mémoire. Merci la Vie.
(idée pour une gravure/éloge du voyage) 

ND – Presqu’île de Crozon, 23 juillet 2008

Certains soirs, il m’arrive de partir en pèlerinage sur la presqu’île des souvenirs.
ND – Presqu’île de Crozon, 23 juillet 2008

Dans le silence, on fait des rencontres qui sont parfois, absolument surprenantes et magnifiques.
ND – Lausanne, le 28 juillet 2008

J’ai bien peur que les conséquences de nos inconséquences nous mènent à des crises majeures, à des apocalypses biologiques diverses ! L’humain moderne est de moins en moins en contact avec les forces vives de la vie et il est pourtant complètement dépendant d’elles pour survivre.
Il faudrait respiritualiser tous nos rapports avec la Nature !
Pierre Rahbi – Presqu’île de Crozon, 22 juillet 2008

A l’ombre d’un tamari en fleurs,
En état d’apesanteur
Mon regard caresse l’horizon.
Sur le rivage, les vagues racontent
Leur ultime voyage
Et je savoure ces derniers instants
A la lisière du départ

ND, Vathi Sifnos – 22 octobre 2008

L’écriture vous dit des choses qu’on ne veut pas forcément entendre.
Philippe Claudel – Les âmes grises ; Lausanne, le 2 janvier 2010

Génocide du Rwanda 1994
« Les tueurs m’ont piégée sous les papyrus. Ils ont pris mon enfant dans mes bras. Ils l’ont coupé et l’ont laissé tomber dans le marigot. J’ai reçu un coup de massue sur la tête. Quand je me suis réveillée, je n’ai trouvé ni larmes pour pleurer, ni mots pour me consoler. Je n’avais plus assez d’intelligence pour la tristesse. Mon petit avait été coupé. La tête souffrait. Dans les marais, on ne trouvait plus de questions en son for intérieur. Seulement : est-ce qu’il y aura une grande expédition demain ? Est-ce que je vais être coupée comme lui ? Des questions sur des tourments immédiats, si je puis dire. Comprendre la tournure des choses, échafauder des philosophies, penser à la honte ou au désespoir d’une maman qui cède son enfant à la machette des tueurs, ça n’arrivait jamais. »
« La mort et la peur en nous écoutaient le silence et nous empêchaient de nous interroger. Les cadavres des marais, n’étaient pas des morts auxquels on était accoutumés ».
Francine Niyitegeka/rescapée Tutsie – la stratégie des antilopes, Jean Hatzfeld ; Lausanne mars 2009

Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre comme le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger

Aragon – Lausanne, le 16 janvier 2010

Visite pour la nème fois du palais des Doges à Venise et ce même plaisir à redécouvrir – ébahi par tant de prouesses artistiques – ces toiles de Véronèse, du Tintoret ou de Jérôme Bosch : Le triomphe de Venise, la bataille de Lepante, l’enfer et dans la salle du grand conseil le Paradis, ce tableau du Tintoret de 9.90×24.50m !
Venise, le 2 avril 2010

Giandomenico Tiepolo – 3 portraits de vieillards gravés (eau forte et burin)

Le hasard ne sourit qu’aux esprits préparés.
Pasteur, Chania, le 13 octobre 2010

J’imagine que tout s’est passé en douceur. Une chaîne ininterrompue de concessions nous a conduits à ce nouveau mode de vie. Ce n’est pas différent avec les individus. La foule nous absorbe un à un. Aujourd’hui, à 56 ans, je réponds non à tout. Il m’a fallu plus d’un demi-siècle pour retrouver cette force de caractère que j’avais au début. La force du non, faut s’entêter. Se tenir debout derrière son refus. Presque rien qui mérite un oui. Trois ou quatre choses au cours d’une vie. Sinon, il faut répondre non sans hésitation ! p.58
Nous ne vivons pas dans le même temps, même quand nous sommes tous les deux dans la même pièce. Le passé, qui définit notre façon d’appréhender le présent, n’a pas la même densité pour chaque personne – p. 188
Danny Laferrière – l’énigme du retour ; Paraty, Brésil décembre 2010

« Ils étaient tous à table (sa famille)
Elle est sortie chercher un plat qui cuisait dans la cour
Quand tout s’est mis à trembler.
Elle veut savoir pourquoi, Il ne lui a pas permis de mourir avec les siens »
Tout bouge autour de moi, Danny Laferrière (tremblement de terre à Haiti)
Castiglione de la Fiorentina, 29 juillet 2011

La Vie qui aurait pu être
Est cachée dans la Vie qui est.
Proverbe africain, 11 octobre 2011

La plupart des gens naissent, vivent et meurent sans se rencontrer.
ND – Lausanne, le 14 novembre 2011

Un poème n’a de sens que selon les circonstances de votre vie, la santé de vos artères et la couleur de vos yeux. Le sens du poème est solitaire, arbitraire, ingouvernable.
Laurent Terzieff – Lausanne, le 2 février 2012

L’important, ce n’est pas d’arriver, c’est de partir.
ND – Lausanne, le 24 février 2012

Il ne s’agit pas de peindre la vie, il s’agit de rendre vivante la peinture. 
Pierre Bonnard, Lausanne, le 5 mars 2012

La grande baignoire
Autoportrait

Magnifique exposition sur Pierre Bonnard au musée Beyeler à Bâle.
Bâle, mai 2012

Exposition Gerhard Richter au Centre Pompidou à Paris. 

Paris,13 juillet 2012

Le renoncement, le choix de ne pas faire ceci ou cela, la permission qu’on se refuse, peut-être la plus belle manifestation de liberté.
Jean-Louis Kuffer – chemins de traverses ; Dieulefit, 31 juillet 2012

Visite du musée Van Gogh et de la maison de Rembrandt à Amsterdam. Le génie de ces 2 peintres me procure des émotions grandissantes au fil du temps.
Amsterdam, octobre 2012

Mort de Zao Wou-Ki
9 avril 2013

Un écrivain n’a pas besoin de connaître trop de gens. Il se doit même de protéger son côté sauvage.
Il faut écrire au plus près de soi, c’est la seule façon d’être original.
Il faudrait réactiver cette chose merveilleuse qui consiste à réfléchir sans se croire obligé d’accrocher au bout de sa pensée une opinion.
L’être humain est structuré par le paysage.
Danny Laferrière – journal d’un écrivain en pyjama ; Angra dos Reis-Brésil, octobre 2013

La vie est maritime, elle oscille entre des creux et des crêtes.
ND – Angra dos Reis-Brésil, octobre 2013

L’essentiel est sans arrêt menacé par l’insignifiant
Yves Bichet – l’homme qui marche ; Lausanne, septembre 2013

Les secrets du métier

Peu m’importent les bataillons des odes
Et le charme des fantaisies élégiaques.
Dans un poème, je l’affirme, tout doit être inattendu.
A la différence des gens – tellement prévisibles.Si vous saviez sur quelles balayures
Poussent mes vers, sans connaître la honte,
Comme un pissenlit jaune sous une palissade,
Comme la bardane et l’épinard sauvage.Un cri de colère, l’odeur fraîche du goudron,
Une indéchiffrable moisissure sur un mur…
Et déjà retentit le vers, si tendre, si fougueux,
Pour votre plaisir et pour le mien.
Anna Akhmatova – Lausanne, octobre 2013

« L’art est comme une fleur qui s’épanouit librement, hors des sentiers battus ».
Exposition Odillon Redon – Musée Beyeler, février 2014

Arriver à faire rêver autant que penser.
ND – Lausanne, mars 2014

Tant sur le fond que sur la forme, il y a longtemps qu’un livre, « Réparer les vivants », de Maylis de Kérangal, ne m’avait ainsi pris par la main pour ne plus me lâcher durant quelques nuits jusqu’au dernier point final.
ND – Lausanne, mars 2014

La créativité émerge de la friction entre la nécessité et la réalité
ND – Lausanne, le 30 juin 2014

Le spectacle du ciel est un ravissement perpétuel.
Lausanne, 27 juillet 2014

Le péché du monde moderne est d’avoir perdu son attention.
ND – Lausanne, le 22 septembre 2014

Sache apprivoiser le silence, il éveille à un autre monde.
Philippe Rebetez – L’orée ; Lausanne, 3 octobre 2014

Visite du musée Guimet à Paris. A chaque fois le même enchantement. Finesse, équilibre, harmonie, beauté sont au rendez-vous dans chaque salle avec une mise en scène des œuvres exceptionnelle. La pause au restaurant thai à l’étage inférieur est pas mal du tout également ! 
Paris, 29 décembre 2014

Târâ agenouillée

Voyage de quelques jours à Paris pour retrouver Analou qui fait un stage dans un atelier. L’ambiance des attentats du 13 novembre dernier est perceptible un peu partout. Belle exposition sur Anselm Kiefer « L’alchimie du livre » à la BNF. 

Paris, 12 décembre 2015

La réussite est à la mesure de l’échec.
Yanaihara Isaku – Avec Giacometti ; Lausanne, 7 juillet 2016

Voyage au Sri Lanka et escale à Galle au sud-ouest de l’île où je ne manque pas d’aller découvrir l’endroit où Nicolas Bouvier a vécu durant 9 mois en 1955 et où il a été victime en même temps, du paludisme, d’une amibiase et d’une jaunisse. Cette expérience, 20 ans plus tard, donnera naissance au « Poisson scorpion », récit qui raconte cette expérience d’une descente aux enfers où la folie n’est jamais très loin.
Galle, le 15 juillet 2016La beauté est une rencontreMais nous ramassons le caillou
Sur le chemin
Le tenant à peine dans la main
Puis sans y penser
Le jetons plus loinPendant que le couchant
Effleurant le mont
S’attarde un bref instant
Puis sans se retourner
Va son chemin
François Cheng, Lausanne le 13 décembre 2016

Grand plaisir à relire « la Tache » de Philippe Roth. J’avais déjà eu du plaisir à le lire la première fois, il y a quelques années, mais cette fois c’est encore plus passionnant. Je pense que c’est un roman – comme toutes les grandes œuvres – qu’on pourrait relire à différents moments de sa vie en y découvrant à chaque fois un supplément d’âme. Les personnages sont d’une grande complexité, jamais manichéens. On suit l’évolution du personnage principal, Coleman Silk, tout au long du roman et c’est un véritable régal. Quant à la construction narrative, elle est simplement exceptionnelle.
J’ai beaucoup d’admiration pour Philippe Roth, pour l’oeuvre qu’il a réussi à bâtir et à poursuivre tout au long de sa vie malgré les nombreuses tempêtes auxquelles il a dû faire face.
Lausanne, février 2017

Je revendique le gris, la nuance, la complexité. Je ne suis absolument pas idéologue.
ND – Lausanne, le 31 mai 2017

Vouloir tout dire est un manque de savoir vivre, la plus grande preuve d’estime envers le lecteur est de lui laisser quelque chose à deviner.
Lausanne – Emission de radio, juin 2017

Extraordinaire rétrospective Giacometti dans cet espace si particulier de la Tate Gallery à Londres. L’œuvre au complet n’a pas pris une ride. Les portraits à l’huile de son ami Yanaihara, de son frère Diégo ou de Caroline sont remarquables d’épure, d’équilibre et de sensibilité. Tout y est, dans une économie de moyens qui en dit long sur son travail. Série de petits bustes en bronze ou en plâtre bercés par le jeu de l’ombre et de la lumière qui sont de pures merveilles. On passe d’une salle à l’autre dans une mise en scène d‘exposition remarquable, aérée et sobre où les œuvres prennent leurs véritables dimensions. Merci la Vie ! 

Isaku Yanaihara – portrait et buste

Bon moment l’après-midi également à la Tate Britain en compagnie d’Henri Moore, de Turner et de Constable 

Londres, 7 juillet 2017

Après en avoir rêvé durant des années, me voici enfin à me promener dans ce parc exceptionnel de la fondation Henry Moore dans la campagne anglaise à Perry Green parmi les sculptures de cet immense artiste. Sa maison qui domine le parc et où il a vécu dès 1940 et jusqu’à sa mort en 1986 est restée dans son jus à l’extérieur comme à l’intérieur, comme si le temps s’était arrêté en 1986. Au loin des moutons paissent paisiblement et me rappellent certaines de ses gravures. Au gré de notre ballade, nous découvrons ses différents ateliers disséminés dans le parc. Atelier de gravure, atelier de maquettes pour les sculptures, atelier de sculpture ainsi qu’un petit musée consacré à son œuvre absolument charmant. En fin d’après-midi, le jeu de l’ombre et de la lumière donne une nouvelle vie à toutes ces sculptures posées çà et là dans une nature à peine domestiquée et l’émotion ressentie à ce moment-là est particulièrement colorée.

Perry Green – Angleterre, le 8 juillet 2017

Concert exceptionnel de Richard Galliano et de Ron Carter (80 ans) à la salle Paderewski. 2 musiciens mythiques qui s’amusent sérieusement, comme des enfants. Belle complicité entre les 2 musiciens. Ron Carter à la contrebasse, dans son costume impeccable, dégage une classe hors classe !
Lausanne, le 5 novembre 2017

On ne sait jamais ce que le passé nous réserve !
ND – Lausanne, le 7 novembre 2017

Trente fois aujourd’hui, le lac a changé d’humeur.
ND – Lausanne, 18 novembre 2017

Creuser vers la profondeur du dedans,
C’est affronter les défis du dehors.
Plus on gravit la transcendance sans nom,
Plus on appréhende en soi le sans fond.

François Cheng – Lausanne le 17 mars 2018

La lecture du « Lambeau » de Philippe Lançon – journaliste gravement blessé durant l’attentat de Charlie Hebdo le 7 novembre 2015 – m’a aspiré durant quelques nuits et laissera assurément une trace indélébile dans ma mémoire de lecteur. L’attentat dura deux à trois minutes et douze personnes furent tuées ce jour-là, le 7 novembre 2015. Gravement blessé aux bras et au visage, Philippe Lançon a subi par la suite 17 opérations. Il raconte avec pudeur, dans un style très personnel et épuré son parcours hospitalier : son combat avec lui-même au fil des jours, sa transformation intérieure, sa relation avec sa chirurgienne Chloé, son rapport aux êtres qui lui sont chers ainsi que sa réadaptation à l’hôpital de la Salpêtrière à Paris qui dura plusieurs mois.
Durant tous ces mois d’hospitalisation, outre sa famille et ses amis proches, les écrivains lui sont d’un réconfort permanent durant ses nuits de solitude nocturne (Kafka, Proust, Shakespeare, Thomas Mann) et la musique, à travers les variations Goldberg de Bach par Wilhelm Kempff est un baume permanent.
Lausanne, mai 2018

Quelques mois plus tard, je découvre par hasard un article concernant ce livre exceptionnel et hors du commun dont voici quelques extraits :
Un livre calme, déterminé, à l’image de son auteur et en dépit de l’omniprésence de la douleur physique et morale, de l’angoisse, « à ne pas faire à l’horreur vécue l’hommage d’une colère ou d’une mélancolie que j’avais si volontiers exprimées en des jours moins difficiles, désormais révolus ».
Un itinéraire solitaire qui tient de l’initiation, voire de la conversion – au sens non pas religieux, disons plutôt métaphysique ou/et spirituel du terme : se défaire de son « ancien moi », tenter de tracer les contours du nouveau, de l’habiter. « Les circonstances, écrit-il, étaient si nouvelles qu’elles exigeaient un homme nouveau, du moins métamorphosé, au moral comme il l’était physiquement. Un mélange de stoïcisme et de bienveillance a défini mon attitude pour les mois suivants. »
Ainsi le suit-on en ces pages bouleversantes où les détails les plus prosaïques de son quotidien hospitalier se mêlent aux souvenirs d’enfance et de jeunesse qui peuplent le « nuage de rêveries sombres » auquel l’abandonne son état de grand blessé aux fonctions vitales relayées par toutes sortes de tuyaux et de drains.Parfum de la Terre
Viens marcher avec le printemps
Sens le vent sur tes joues
Sois libre de tes mouvements
Prends le temps de vivre
Car demain ne t’appartient pas…Sous un feu de rocher
J’ai appris à lire entre les arbres
À compter les cailloux dans le ruisseau
À donner un nom à tous les métaux
Tel que le quartz ou le marbre.
J’ai appris à nager avec le saumon
À le suivre dans les grandes rivières
À monter le courant de peine et de misère
Sans me plaindre et sans sermon…
Rita Mestokosho – Lausanne, le 31 juillet 2018

Eternel adieu,
à tout moment ;
Eternel bonjour,
En l’unique instant.

François Cheng – Lausanne le 9 août 2018

Exposition Bacon-Giacometti à la fondation Beyeler
C’est la première fois qu’un musée réunit ces 2 artistes, à première vue si différents, et qui ont cette même obsession pour le portrait et la représentation humaine qui s’y rattache. Leurs travaux, par les vibrations qui en émanent, me touchent au plus haut point, tant par une forme de vérité qu’elles dégagent que par le métier acquis au cours d’une vie afin de pouvoir arriver à exprimer cela. 
Bâle, le 15 août 2018

Portrait de Yanaihara
Giacommeti et Bacon
D’après Vélasquez

Ne pas devenir un peuple de fourmis, manipulé par le verbe, l’image et l’informatique.
Jean Mallaurie – Lausanne le 31 août 2018

La laideur n’est pas neutre ; elle agit sur l’homme et détériore sa sensibilité, au point qu’il ne ressent même pas sa dégradation, ce qui le prépare à descendre encore d’un cran.
William Morris (1834-1896) – Lausanne, le 11 octobre 2018